Explication de vote – Motion de censure de François Bayrou du 16 janvier 2025

Dans ce texte, j’ai souhaité revenir plus longuement sur les différentes raisons qui m’ont poussé à voter en faveur de la motion de censure contre le gouvernement Bayrou, suite à son refus de se soumettre à un vote de confiance des député·e·s.

Je vous souhaite une bonne lecture !

Contre le viol de la démocratie

On ne le répètera jamais assez : le président Macron a créé un dangereux précédent en refusant de reconnaitre le résultat des urnes aux législatives de juin 2024. Les français.es avaient placé en tête le NFP au 2nd tour des élections, envoyant ainsi un net refus de voir le RN gouverner le pays, et ce alors que tous les sondages annonçaient sa victoire. La macronie quant à elle était plus affaiblie que jamais, passant de 351      sièges de député.es obtenus en 2017, à 248 sièges en 2022, pour finalement en tomber à 164 lors des élections de juin dernier. Et que fit le monarque présidentiel ? Rien. Il repoussa le choix du premier ministre à la fin de l’été, dans l’espoir ridicule de réussir à diviser le NFP. Il convient de faire un pas de côté pour se rendre compte que le président de la République était prêt à courir le risque de voir le RN prendre le pouvoir. Ayant échoué, puisque le NFP arriva finalement en tête des élections, il ne respecta pas l’esprit démocratique de notre république.

Ainsi, après être passé en force en nommant Michel Barnier premier ministre, ce qui fut un nouvel échec puisque, pour la première fois depuis 1962, un gouvernement fut censuré, il récidiva en nommant François Bayrou premier ministre. C’est le comble de la tartuferie. Le macronisme promettait le changement, et le voici maintenant contraint de recycler nombre de diplodocus de la politique française pour former un gouvernement qui a décidemment des airs de Titanic. Le ridicule est poussé au point de récupérer le traitre en chef, Manuel Valls, pour lui confier un ministère. L’histoire se répète toujours deux fois : « la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce » disait Karl Marx. On en rirait presque si la situation de notre pays n’était pas si grave.

Nous faisons donc de nouveau face à un premier ministre sans majorité et sans légitimité. En l’état, le minimum d’esprit démocratique que nous attendions était le vote de confiance au gouvernement qui fait normalement suite au discours de politique générale. Ce vote permet usuellement de démarquer la majorité de l’opposition. Mais, depuis Élizabeth Borne, il n’y a plus de vote de confiance. Pourquoi ? Les macronistes savent qu’iels n’ont pas de majorité. Voilà donc leur rapport à la démocratie :  voter oui, mais à condition qu’iels gagnent. Nous sommes donc mis face à l’alternative suivante : nous soumettre à un gouvernement illégitime, ou le soumettre à un vote de défiance par une motion de censure. Pour ma part, la soumission au détriment de la démocratie n’est pas et ne sera jamais une option. C’est pourquoi, j’ai voté la motion de censure ce jeudi 16 janvier. Non par sectarisme politique, mais parce que la démocratie n’est pas une variable d’ajustement en république. Nous n’acceptons pas, et nous n’accepterons jamais, que la démocratie ne soit pas respectée. 

Contre la politique que Bayrou va mener

Mais l’argument démocratique n’est pas la seule raison de voter la motion de censure. Bayrou est un libéral assumé depuis le début de sa carrière politique, ce qu’il a toujours eu l’honnêteté de reconnaitre. Ainsi, naïf sont ceux.elles qui nous disent d’attendre de voir ce qu’il fera avant de vouloir le censurer. Ce que Bayrou va faire nous le savons déjà. Ce sont les politiques menées depuis maintenant 40 ans. Celles qui ont jeté des millions de personnes dans la précarité. Celles qui ont cassé notre état social en affaiblissant nos services publics après avoir volontairement appauvri l’état en faisant des cadeaux fiscaux aux multinationales et aux plus grandes fortunes de notre pays. Processus qui s’est d’ailleurs aggravé sous Macron puisque, alors que les français.es subissaient l’inflation, la fortune des milliardaires doublait entre 2017 et 2024. Concernant les politiques économiques, c’est le libre-échange combiné à la sacro-sainte politique de l’offre consistant à alléger le « coût du travail », améliorer la compétitivité des entreprises et toutes ces balivernes, qui a conduit au désastre actuel, si bien que notre pays a perdu près de deux millions d’emplois industriels en trois décennies. Ce sont encore 300 000 emplois industriels qui sont menacés en 2025.  Pendant que les gouvernements successifs de Macron avaient les yeux rivés sur le PIB et priaient pour l’obtention d’une bonne note d’une de ces agences de notation, la pauvreté croissait dans la 7ème puissance économique du monde. Aujourd’hui c’est plus de 3000 enfants qui dorment dans la rue. Aujourd’hui le scorbut fait son retour en France ! Et cela est à imputer directement aux politiques libérales de la macronie et les précédentes. 

Nous savons donc parfaitement ce que va faire François Bayrou. Tout comme nous savons quelles seront les conséquences pour les français.es si nous le laissons faire. Nous en voulons pour preuve le fait que le budget 2025, qui va nous être présenté, est une reprise à l’identique du budget que Michel Barnier voulait imposer par 49.3. C’est pourquoi nous avions censuré ce dernier. S’il y a un budget à reprendre, c’est celui issu du débat (démocratique) parlementaire de cet automne, où nous avons pu dégager des majorités pour des mesures de progrès social. Et ainsi transformer le budget d’austérité en un budget NFP compatible. Mais Barnier l’a jeté à la poubelle. 

C’est l’occasion pour moi de rappeler que nous sommes évidemment prêt.es à faire des compromis. Le budget, que nous sommes les seuls à avoir voté cet automne, comportait des mesures issues du programme du NFP, mais aussi des mesures avec lesquelles nous étions en désaccord. Pourtant nous l’avons voté, car nous pensions que le compromis obtenu, était bénéfique pour les français.es. Depuis le début, la formule « tout le programme, rien que le programme » ne veut dire que ceci : le programme du NFP est à la base de toute discussion que nous engageons. Ensuite, c’est à la démocratie parlementaire de faire son œuvre, et nous nous déterminons en fonction des équilibres que nous jugeons bons pour le pays. Or, nous savons déjà que la macronie ne fera aucun compromis avec le programme du NFP car iels n’en n’ont fait aucun jusqu’ici. C’est ce sectarisme qui a conduit Barnier à vouloir passer en force avec le 49.3.

Le gouvernement Bayrou va donc nous faire perdre un mois alors que notre pays a besoin d’un budget de progrès social, un programme de rupture avec la macronie. Perte de temps également concernant l’abrogation de la réforme des retraites. Bayrou, noyant le poisson, a annoncé que la réforme portant l’âge de la retraite à 64 ans serait remise en discussion dans un « conclave » réunissant « partenaires sociaux » et organisations politiques. Un simulacre puisqu’il suffira qu’un seul des partenaires sociaux quitte la discussion pour que tout soit jeté par-dessus bord. Autrement dit : la réforme des retraites sera suspendue au choix que fera le MEDEF. C’est donc un enfumage en règle et je regrette que le PS ait décidé de participer à ça en refusant de voter la motion de censure afin de « laisser sa chance à la négociation ». Fort heureusement, les écologistes et le PCF ont voté avec nous la motion de censure. Le NFP est donc sauvé. C’est maintenant le PS qui devra assumer d’être de facto dans une majorité sans participation au gouvernement. 

Voter la censure dès le 16 janvier, c’était éviter de perdre du temps inutilement. Grâce à la complicité du RN, plus intéressé à faire tourner sa boutique électorale que par l’intérêt du pays et celui de ses électeur.trices, et du PS, ayant malheureusement choisi de s’isoler du reste du NFP. La censure n’a pas été adoptée. 

Gageons qu’elle le sera à la fin du mois lorsque le gouvernement cherchera une nouvelle fois à imposer un budget par la force, puisque François Bayrou a déjà annoncé qu’il ne renonçait pas à utiliser le 49.3. 

Voter la censure est-ce rendre le pays instable ?

Je tiens également à déconstruire un argument répandu dans le brouhaha médiatique ambiant. Voter la censure serait plonger le pays dans l’instabilité. Accuser l’opposition politique que nous sommes de tous les maux de notre pays est devenu monnaie courante.  Là aussi on pourrait en rire si ces accusations n’étaient pas si graves. En république il y a un principe simple : la responsabilité d’une situation incombe à ceux.elles qui dirigent. Or, il n’aura échappé à personne que nous ne sommes (pour le moment) pas au pouvoir.  Je rappelle ici un principe simple : la démocratie c’est la confrontation d’idée, et à la fin la confrontation se règle par le vote. Reprocher à une opposition politique de s’opposer est donc une position anti-démocratique, sauf à supposer que tout le monde est d’accord ce qui n’est évidemment pas le cas.

De même, il n’aura échappé à personne que ce sont les politiques menées depuis des dizaines années qui nous ont conduit là où nous en sommes : casse des services publics, système de santé à terre, collectivités locales à l’os, pauvreté en hausse, inaction climatique, gronde des citoyen.nes  (mouvement des gilets jaunes, des agriculteurs.trices, mobilisations contre la vie chère etc). Comment nous reprocher cette instabilité alors que l’instabilité est la conséquence de leurs politiques libérales ? La réalité se moque bien des éléments de langage inventés par les communicants du camp présidentiel.

Les vrais responsables de ce désordre sont les macronistes. À très court terme en raison de la dissolution de l’Assemblée qui ne pouvait qu’aboutir au résultat des dernières législatives, avec l’instabilité qui en résulte. Aussi les macronistes sont incapables d’organiser quoi que ce soit, se fiant toujours au divin marché et au « bon sens » des investisseurs pour régler les problèmes. Le désordre de notre pays est avant tout un désordre social et économique. L’instabilité et l’impossibilité de se projeter sont le quotidien de millions de nos compatriotes. La crise politique que notre pays traverse, n’est que le reflet de la crise réelle dans laquelle nous sommes plongé.es. Macron est donc responsable de cette instabilité sur tous les plans. C’est ce pourquoi nous appelons à sa démission, car il est désormais l’homme à l’origine du blocage des institutions.

Nous reprocher cette instabilité c’est passé à côté du problème. Notre opposition politique est l’expression de la volonté de rupture que partagent des millions de nos concitoyens. Si nous cessions de nous opposer de manière claire et nette à la macronie, aux politiques libérales et renoncions de fait au programme sur la base duquel nous avons été élu.es, nous trahirions nos électeurs.trices. Et cette volonté de rupture chercherait un débouché politique qui, dans l’état actuel des choses, conduirait directement à la victoire du RN, qui serait le seul mouvement politique français représentant (d’une manière illusoire) une opposition. Cesser de nous opposer à Macron serait non seulement inutile, mais dangereux. Si l’on veut que notre pays retrouve de la stabilité, il faut régler les problèmes auxquels fait face le peuple français. C’est cela que nous nous proposons de faire avec le programme de rupture que nous avons présenté aux dernières législatives.